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La pratique
des styles

La calligraphie latine
est l’Art de la belle écriture
tel qu’il s’est développé en Europe
sur la base de l’alphabet latin.

La pratique des styles

La tradition latine

 
 

Moins célèbre que les calligraphies arabe et asiatique, la calligraphie latine est l’Art de la belle écriture tel qu’il s’est développé en Europe sur la base de l’alphabet latin. La raison de cette moindre popularité est sans doute à rechercher du côté de la relative jeunesse de cette tradition artistique, dans la mesure où, bien que les calligraphies européennes prémodernes ne manquent pas de beauté (notamment via l’association d’enluminures), la calligraphie latine n’est devenu un Art à part entière qu’assez récemment, après que, mettant fin à la tradition du manuscrit et au métier de copiste, l’invention de l’imprimerie ait libéré l’écriture du service de la reproduction.

Le dix-septième siècle est en effet connu comme “le grand siècle de la calligraphie” parce qu’il a donné lieu à une floraison de formes artistiques qui n’aurait pas été possible du temps où l’écriture avait pour finalité une production de manuscrits davantage artisanale qu’artistique. Ce destin est identique à celui de la peinture à la Renaissance et, plus largement, à celui des arts dits “libéraux”, au sens où le passage du statut de copiste à celui de maître écrivain est comparable à la conquête du statut d’artiste initiée par Léonard De Vinci – car nous savons que c’est de cette façon qu’est né l’Art au sens moderne du terme.

Quoi qu’il en soit, il y a un point commun essentiel aux grandes traditions calligraphiques d’Orient et d’Occident. La calligraphie est un Art empreint de spiritualité et une voie privilégiée de l’expérience du spirituel dans l’Art. Qu’il s’agisse de la méditation du lettré taoïste ou du moine bouddhiste, de la sacralité originaire de l’écriture du Saint Coran ou de la pratique dévotionnelle du moine chrétien qui s’attache à la copie dans une vie de prière, la calligraphie est une ascèse qui n’est ce qu’elle est que parce qu’elle était traditionnellement le fait d’êtres spirituels, des lettrés et des religieux, et qui demande pour le moins un haut niveau d’attention et de concentration. C’est cet ancrage dans la spiritualité qui fait que la tradition latine de la plume a ceci de commun avec la tradition arabe du calame et celle du pinceau chinois que les qualités d’esprit du calligraphe sont à la source de la qualité de son geste, de la qualité de son trait et de celle son œuvre.

 

La voie royale

La pratique des styles est la voie royale de l’exercice de la calligraphie. Toutes les traditions calligraphiques possèdent un catalogue de styles (Onciale, Caroline, Chancelière, Anglaise…) qui sont autant d’écoles de maîtrise et de voies d’approfondissement de la calligraphie. Particulièrement riche en styles, la tradition latine requiert un minimum de connaissances. Il convient d’abord de voir qu’il y a deux façons de comprendre les styles : qu’ils se distinguent par leur histoire et qu’ils se classent selon leurs finalités. D’une part, ils se différencient par la diversité des conditions qui font leur identité, à savoir l’usage d’outils spécifiques, les contextes historiques, les mutations socio-économiques, les facteurs culturels tels que l’émergence de nouveaux idéaux philosophiques ou de nouvelles normes esthétiques… D’autre part, ils sont déterminés par les deux finalités propres à l’écriture, à savoir l’écriture de livre qui est attachée à la production du manuscrit et dont le tracé est pour cela astreint aux codes d’une parfaite lisibilité, et l’écriture courante destinée à la correspondance, la prise de notes ou la liste des commissions, et dont le tracé est à l’inverse conditionné par une exigence de vitesse et de fluidité.

La pratique des styles est liée à la connaissance de ces environnements culturel et esthétique. De ce fait, le calligraphe est généralement un lettré, voire un érudit, qui aime le monde du livre et se plonger dans l’Histoire. Toutes les traditions et tous les styles ont en effet ceci de commun que c’est un contexte historique, l’esprit d’un temps, la culture d’une époque, qui fait émerger un geste. Ainsi, pour le calligraphe, la maîtrise d’un style est une expérience particulièrement cultivée. Riche d’un sens anthropologique, c’est la redécouverte du geste propre à l’esprit d’un temps. C’est en effet ce qui fait l’intérêt de la pratique des styles et, plus fondamentalement, la valeur de l’Art de la calligraphie, que c’est un domaine où (contrairement à ce qui se passe dans celui de l’art dit contemporain) l’Art reste inséparable de son passé et de sa technique, autrement dit, que c’est une ascèse dont la maîtrise est liée à la possession et au respect de connaissances et de codes très précis, mais qui culmine dans l’expérience de la plus grande liberté. Et c’est tout l’art du calligraphe de marier une grande maîtrise technique à une grande liberté d’expression.

C’est dans cet esprit que Nour LEKHAL enseigne l’Anglaise et la Bâtarde gothique.

L'Anglaise

La Bâtarde gothique

L'Anglaise

L’Anglaise est le fruit d’une longue évolution de l’écriture courante et le dernier fleuron de l’histoire des cursives. Dérivée de la Bâtarde italienne qui dérive elle-même de la Chancelière, inspirée par la virtuosité des magistrales écritures flamandes du XVIIe siècle, elle est la forme d’écriture la plus connue de tous, parce que, via l’ancienne domination anglaise de mers et des échanges commerciaux, c’est le style de cursive qui s’est imposé à l’Europe puis à l’ensemble du monde occidental à partir du XVIIIe siècle.

Son histoire est liée à celle de son outil. Au XVIIIe siècle, la taille de la plume d’oie évolue. Son bec devenant pointu, l’alternance des pleins et des déliés n’est plus conditionnée par l’angle du placement sur la feuille du bec plat de la plume, mais par la pression exercée sur son bec fin et fendu, dont l’écartement conditionne désormais l’épaisseur du trait. C’est pourquoi la pratique de ce style est étroitement liée à l’usage de ce type de plume (notamment la plume métallique dont les Anglais industrialisent la fabrication au début du XIXe siècle), et pourquoi elle nécessite une certaine maîtrise du type de tracé particulièrement délicat que procure cet outil.

 
 

Anglaise Roundhand, 1736

 
 
 
 

Détail de la lettre à droite

 
 
Lettre de George Bickham à Nathaniel Dove, 1740, Universal Penman, folio n° 194
George-Shelley, Copperplate alphabet, London, 1709
George Bickham, Liberty, Universal Penman, 1743

Synonyme d’élégance et de raffinement, ce style se caractérise par une musicalité subtile qui compose une graphie souple et fluide, une alternance délicate de traits pleins et déliés, et une ornementation très graphique composée de volutes spectaculaires. Par conséquent, afin d’en procurer une expérience globale et attrayante, le stage se déroule en deux temps.

Une première partie du stage est consacrée à la découverte de la plume anglaise, à la technique des pleins et des déliés et à l’étude de l’alphabet dans la tradition anglaise de l’Universal Penman gravé par George Bickham en 1740. Dans un second temps, l’accent est mis sur le côté graphique du dessin des majuscules et de l’ornementation, et les stagiaires sont guidés dans la création d’une calligraphie originale.

Pat Blair, calligraphie d'un poème de Robert Frost
Rachel Yallop, "Love bears all things"
Jean Larcher, Logo pour le bicentenaire de la Révolution française

La bâtarde gothique

Le terme Bâtarde est un terme générique qui désigne plusieurs formes d’écriture qui sont bâtardes dans la mesure où elles réalisent un compromis entre deux types d’écriture, l’un statique et rigide, l’autre cursif et souple. L’appellation bâtarde gothique est un terme plus spécifique qui désigne la dernière création calligraphique du Moyen Âge.

La Bâtarde gothique est dite bâtarde parce que c’est une écriture livresque qui réalise la performance d’être à la fois une cursive relativement rapide et une écriture de livre plus lente et réfléchie. Cursive élaborée qui naît dans la seconde moitié du XIVe siècle, dans le Nord de la France et dans les Pays-Bas, c’est une écriture assez fluide et partiellement ligaturée, et cependant, c’est aussi une écriture « posée », c’est-à-dire soigneusement calée sur une réglure et tracée sans ligatures selon le ductus méthodique et appliqué d’une écriture de livre.

Ceci dit, il existe plusieurs types de bâtarde gothique (anglaise, flamande, française…). Nous nous intéressons à la plus connue : la bâtarde flamande, également appelée bâtarde bourguignonne, d’une part à cause de son origine géographique (car, situé à cheval sur le nord-Est de la France et de la Hollande actuelle, le duché de Bourgogne intégrait alors des domaines flamands et néerlandais), d’autre part parce qu’elle fut adoptée par la cour des ducs de Bourgogne, dont elle devint le style attitré.

Planche de cours, Nour Lekhal

Historiquement à la limite de l’invention de l’imprimerie, la Bâtarde gothique est l’une des dernières écritures manuscrites à se marier aux peintures des manuscrits enluminés. Nous sommes en effet à une époque charnière ; il y aura peu de manuscrits enluminés après que les caractères mobiles et la presse à bras aient remplacé les mains du scribe et que, peu de temps après, la gravure ait supplanté celles des enlumineurs. Au-delà du XVe siècle, le manuscrit enluminé où s’illustre la bâtarde gothique va peu à peu disparaître.

En termes stylistiques, c’est une forme mixte qui tient de la Cursive gothique, une écriture courante qui se développe dans toute l’Europe dès le XIIe siècle avec l’essor des universités et la démocratisation de l’écriture, et de la Textura qui domine l’Europe du Nord du XIIIe au XVe siècle et qui, à l’inverse, est utilisée dans les scriptorium par les moines copistes.
C’est donc un style qui possède les qualités de ces deux écritures. Un style riche en contrastes, dont le tracé lourd appuie des jambages pleins et de larges hampes, dont la dynamique enchaîne ces graisses massives avec des liaisons arrondies, et dont les finesses enjolivent les extrémités des lettres. Et c’est la raison pour laquelle sa pratique est attachante, car elle demande à la fois de la souplesse et de la force, du souffle et de l’os comme disent les Chinois.

La première partie du stage sera consacrée au maniement de la plume à bec et du calame (encore utilisé par les copistes du Moyen-Âge), à l’étude du ductus et au tracé de l’alphabet. Afin d’y aider, on s’attachera également à une révision des tracés de la Textura et de la Cursive gothique. Enfin, dans un dernier temps, les participants seront guidés dans la création d’une calligraphie de style bâtarde.

 
 

Haquinet Le Pesquier, Colophon du De casibus virorum de Boccace, 1462. Livre traduit du latin par Laurent de Premierfait (poète, humaniste et traducteur français) en 1409, pour Jean Ier, Duc de Berry, dit Jean le Magnifique, sous le titre “Des cas des nobles hommes et femmes trebuchez et chus par le tournoiement de la roue de fortune”.

 
 
Pietro de Crescenzi (1230-1320?), Le livre des profits champêtres, livre 2, des prouffitz champestres et ruraulx

Un bel exemple de cursive gothique. L’inventaire de la “librairie” du Louvre par Jean Le Bègue, 1413

Un exemple de Textura

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